Chelsea - Real Madrid : L'analyse tactique
Chelsea 1-3 Real Madrid
Joie du hasard, le tirage au sort de la Champions League nous offrait un quart de finale entre Chelsea et le Real, deux équipes aux multiples ressemblances.
Elles ont été les bourreaux de deux clubs français en 8èmes, mais elles possèdent dans leur effectif des internationaux français qu’on aime bien.
Aussi, elles ont la particularité de se faire coacher par deux anciens entraineurs du PSG qui, d’ailleurs, doivent se régaler chaque jour en regardant l’évolution de leur ancien club.
En tout cas, deux belles équipes qui nous promettaient, sur le papier, un vrai bon match de football.
Et on y a eu droit ! Des buts, de l’intensité, du suspense et des stars qui répondent aux attentes liées à leur statut.
On a vu le coach Ancelotti gagner son match tactique face au système de jeu bien connu de Thomas Tuchel basé sur une grosse assise défensive.
L’entraineur allemand, obligé de changer son fusil d’épaule à la mi-temps, a malheureusement été « laché » par ses joueurs, trop fébriles, face au talent et à l’efficacité des joueurs du Real.
Au contraire du technicien italien qui a pu compter sur ses joueurs cadres et leaders, comme Casemiro et Benzema.
Mais, Ancelotti a surtout pu compter sur une équipe de soldats appliquant à la lettre son plan de jeu, au service de l’équipe et ce, peu importe leur « statut ».
Le Real a pris une bonne option sur la qualification en demi-finales.
On pourra qualifier cette option de « sérieuse » car, plus que l’écart de deux buts au coup d’envoi du match retour, la maitrise des Espagnols sur le terrain de Chelsea est un vrai marqueur mental.
Cette victoire est tout sauf un hold-up.
Real Madrid : Un plan de jeu adapté au système de Chelsea et donc la victoire tactique d’Ancelotti.
Le coach italien proposait un système de jeu en 4-3-3 avec son classique milieu en triangle pointe basse, sa sentinelle en or massif Casemiro.
On observait la titularisation de Federico Valverde sur le côté droit.
L’Uruguayen avait deux missions :
- Travailler défensivement face à son piston Azpilicueta
- Offensivement, intégrer l’axe pour former un quatrième milieu de terrain et donc créer une supériorité numérique dans cette zone du terrain.
Cette supériorité a été l’objectif « fil rouge » de Carlo Ancelotti afin de réussir à créer des décalages et désorganiser un bloc défensif de Chelsea réputé très costaud.
Cela a fonctionné puisqu’on a rarement vu autant de largesse de la part des défenseurs anglais.
On pense notamment au second but de Benzema.
Sur cette action, le placement axial de Valverde, va pousser Jorginho à lâcher son marquage sur Modric pour sortir mettre la pression sur l’Uruguayen, aidé par le dédoublement de Carvajal.
Modric, seul, pourra recevoir le ballon et déclencher une merveille de centre sur un Benzema bien placé et profitant une nouvelle fois de la fébrilité du duo T.Silva-Christensen. (0-2, 24ème)
En phase de relance, les déclencheurs des attaques placées espagnoles que sont Casemiro et Kroos étaient toujours disponibles grâce à leur supériorité numérique.
Ils attiraient haut sur le terrain les deux seuls milieux défensifs de Chelsea, Kanté et Jorginho.
Cet espace était utilisé par les décrochages de Benzema, fort dans la participation au jeu, qui permettait le lien entre le milieu de terrain et la surface de E.Mendy.
Le 1er but en est l’illustration avec ce une-deux, entre le Français et Vinicius, effectué dans les 20 mètres entre la défense et le milieu adverse. (0-1, 21ème, Benzema)
Pendant toute cette action, Benzema sera complètement seul au milieu des 3 défenseurs centraux de Chelsea constamment sur le reculoir.
Jusqu’au temps fort anglais, à la 65ème, qui a poussé le Real à reculer son bloc et subir les attaques adverses, les Espagnols ont toujours réussi à ressortir le ballon proprement et assurer de bonnes transitions offensives.
Ils ont eu la bonne idée de convertir les opportunités qu’ils se sont créées avec un Benzema en feu.
Les stats parlent d’elles-mêmes : 8 frappes dont 5 cadrées et 3 buts marqués soit un tiers des tirs au fond des filets.
Chelsea : Le bloc défensif, habituelle force des Anglais, transformé en faiblesse.
Thomas Tuchel proposait son système habituel en 5-2-3.
Beaucoup d’observateurs revenaient sur la lourde défaite du week-end, face à Brentford (1-4) concédée à domicile par les Blues.
On se demandait si ces 4 buts encaissés à domicile, et surtout évitables, allaient peser dans la balance face au Real.
Force est de constater que oui.
On l’évoquait dans le chapitre consacré au Real, le premier souci des Anglais est venu de la gestion de Casemiro lors des phases de relances espagnoles.
En effet, le Brésilien était systématiquement seul et disponible pour se retourner et déclencher les attaques de son équipe.
Tuchel a donc demandé à son ailier droit, Mason Mount, de rentrer dans l’axe pour se placer sur la sentinelle du Real.
Le côté droit anglais étant donc libéré, on observait Toni Kroos venir s’y rendre disponible.
N’Golo Kanté était obligé de monter de 20 mètres pour venir mettre la pression sur Kroos.
Il laissait donc Jorginho gérer seul Modric, mais aussi Valverde, lorsque celui-ci rentrait dans l’axe.
On observait donc le duo Kanté-Jorginho constamment aspiré vers l’avant et donc un espace important entre ces deux joueurs et leur ligne de défenseurs.
Un espace toujours bien utilisé par les attaquants du Real.
Ce qui a pénalisé les Anglais, c’est la proportion qu’ont eu ses défenseurs centraux à constamment reculer au lieu de suivre les déplacements vers l’avant de leurs milieux de terrain.
Un comportement qui traduit une certaine crainte, mais aussi une envie de « confort » habituelle chez les défenseurs de Chelsea, en Premier League, face à des équipes moins entreprenantes.
On l’observe d’ailleurs sur le 1er but de Benzema qui n’a pas été suivi dans son décrochage et qui déclenchera sa tête victorieuse en arrivant lancé face à une défense centrale encore en train de reculer.
Conscient des problèmes liés à son infériorité numérique dans le milieu, Tuchel a changé son système de jeu à la mi-temps en passant en 4-3-3.
Malheureusement pour lui, dès la 46ème minute, une erreur technique de Mendy couplée à un manque d’impact physique inhabituel de Rudiger (dernier défenseur avec un carton jaune depuis la 19ème) va permettre à Benzema de tuer dans l’œuf le changement tactique du coach allemand.
Pourtant, Chelsea avait réussi à limiter la casse en revenant aux vestiaires avec, seulement, un but de retard et une bonne dynamique puisque le but d’Havertz avait été marqué avant la mi-temps (1-2, 40ème)
A l’heure de jeu, Tuchel faisait rentrer Romelo Lukaku afin d’assurer une présence de poids dans la surface de Courtois.
Les Anglais ont réussi à se créer deux occasions de but, en 7 minutes, non cadrées par l’attaquant belge.
Ces actions ont permis aux Blues de rentrer dans un gros temps fort qui n’a pas été converti.
Ce temps fort fera reculer pour de bon le bloc des Madrilènes jusqu’à la fin du match.
L’inefficacité de Chelsea finira de plomber un match trop peu abouti à ce niveau et face à un tel adversaire (58% de possession et 20 tirs dont seulement 5 cadrés).
Avec un but supplémentaire, les Anglais auraient pu aborder le match retour avec une colline, et non une montagne, à gravir.
Real Madrid : Des stars au rendez-vous!
Evidemment, on pense à Karim Benzema, une nouvelle fois auteur d’un triplé.
Mais, une nouvelle fois, le Français a montré qu’il était un vrai leader en participant pleinement au plan de jeu tactique de son coach, en venant décrocher dans l’espace créé par les déplacements de ses milieux de terrain.
Participer aux actions et les terminer constitue une vraie performance à ce niveau et lui amène une légitimité, dans son leadership, auprès de ses coéquipiers.
On a aussi envie de mettre en lumière le boulot abattu par Casemiro, qui a été un véritable couteau suisse pour Carlo Ancelotti.
En plus de son job de sentinelle parfaitement exécuté, le Brésilien a été une rampe de lancement, des attaques placées de son équipe, alternative à l’habituel Toni Kroos.
Il a donc participé au jeu comme un vrai milieu relayeur.
Au moment du temps fort de Chelsea, et après les deux têtes non cadrées de Lukaku, Casemiro a été intégré à la défense centrale car c’est lui qui a été choisi pour le combat physique face au géant belge.
Ancelotti a donc choisi de donner cette responsabilité à sa sentinelle et non à ses deux défenseurs centraux.
Une preuve de la valeur de ce joueur dans un collectif déjà fort qu’est celui du Real Madrid.