Belgique - France : L'analyse tactique
C’est donc à cela que sert la Ligue des Nations !
Une session de rattrapage pour les supporters qui ont rêvé, juste après le tirage au sort de l’Euro 2020, d’une revanche entre la Belgique et la France.
Un match normal transformé en « Derby du seum ! » par les médias et les réseaux sociaux. Bref, le nouveau PSG-OM à la sauce « nouvelles technologies » (évidemment pas aussi bonne que la sauce Dallas !)
Côté terrain, nous avons assisté à un match équilibré puisque joué entre deux équipes évoluant avec le même système de jeu, mais pas forcément pour les mêmes raisons.
Chaque équipe a eu sa mi-temps, pas forcément pour les mêmes raisons non plus, et cela se sent dans les statistiques : 52% VS 48% de possession, même nombre de passes effectuées à 30 passes près.
Il était donc convenu que, si ce match ne se jouait pas sur un écart technique entre les deux nations, la différence serait faite par des détails comme l’attitude, l’impact et la condition physique.
Chacune des équipes a été en difficulté dans sa mi-temps car, au minimum, l’un de ces 3 éléments lui a manqué.
En tant que spectateur, ce match a été parfait puisque nous sommes passés par toutes les émotions, avons vécu un retournement de situation total et des dernières minutes de folie.
En effet, celles-ci nous ont sympathiquement rappelé pourquoi la Suisse avait égalisé en fin de match lors des 8èmes de finale de l’Euro.
Et plus positivement, l’intérêt d’être gentil (M’Bappé et Benzema) et de faire une passe à ses copains qui jouent sur les ailes (Pavard et Hernandez) puisque le seul échange qu’ont eu, entre eux, les 2 pistons français a abouti au but de la victoire.
Belgique – France : Un même système en 5-2-3 mais une animation offensive différente par l’utilisation des pistons.
Commençons par les Diables puisque le 5-2-3 est un système habituel pour Roberto Martinez.
Dans le cas des Belges, on a pu observer une réelle utilisation des pistons Castagne et Carrasco.
A la possession, en phase d’attaque placée, ces deux joueurs se positionnaient très haut, à la hauteur de l’avant-centre Romelo Lukaku.
On notera que le 1er but belge est le fruit d’un décalage du ballon de droite à gauche vers Carrasco, placé haut, qui permettra à ce dernier de profiter de la lenteur du décalage du bloc français.
En 1 contre 1, il effacera Pavard pour ouvrir le score. (1-0, 36ème).
Ce placement des 2 pistons permettait à De Bruyne et Hazard de rentrer dans l’axe et d’évoluer en électrons libres afin de se rendre totalement disponibles entre les lignes pour offrir une solution de passe verticale aux déclencheurs Witsel et Tielemans.
On remarquait la complémentarité des deux meneurs de jeu qui n’étaient jamais loin l’un de l’autre pour combiner.
Lorsque le ballon arrivait sur un côté, chaque piston avait automatiquement le soutien de son meneur de jeu pour créer un 2 contre 1.
Le second but du match en est d’ailleurs l’illustration. (2-0, 41ème, Lukaku)
L’origine de celui-ci est une phase de préparation assez longue avec beaucoup de mouvements de De Bruyne et Hazard qui leur ont permis de se dégager du bloc bas Français.
De Bruyne réussira à déclencher une passe décisive vers Lukaku sans pression grâce à une nouvelle course sans ballon lui permettant de se démarquer en créant un 2 contre 1, avec Castagne, face à T.Hernandez.
Ce second but illustre également le travail de Lukaku puisqu’il a parfaitement joué son rôle d’avant-centre en évoluant dans l’axe avec un rôle d’appui, mais aussi en étant présent au maximum dans la surface française pour terminer les actions.
Du côté de l’Equipe de France, avec ce 5-2-3, on a donc observé un système peu utilisé par Deschamps.
En observant le profil défensif des pistons Pavard et T.Hernandez, contrairement celui à Carrasco et Castagne, on pouvait deviner que le 1er objectif de Deschamps était de sécuriser ses côtés plutôt que d’apporter le danger offensivement.
Misson partiellement ratée lorsque l’on revoit le but de Carrasco.
Malgré leur mission principale, on a tout de même pu voir, chez Pavard et Hernandez, une volonté de participer offensivement.
Mais les montées des deux joueurs ont rarement été utilisées par leurs coéquipiers et l’animation offensive des Bleus a donc été différente de celle de leurs adversaires.
En phase de préparation d’attaque placée, on observait que les déclencheurs étaient Pogba et Rabiot.
Contrairement aux Belges, un seul joueur évoluait, entre les lignes, en électron libre : Antoine Griezmann.
Cela était peut-être prévu dans le plan de jeu de Deschamps, mais cela poussait les 2 attaquants M’Bappé-Benzema à décrocher également.
A certains moments, on pouvait voir M’Bappé sur un côté et Benzema à l’opposé.
Face à un bloc bas belge et une défense à 5, il pouvait paraitre étrange de ne pas voir un attaquant français dans les 18 derniers mètres de Courtois.
Lorsque l’un de ces 3 joueurs recevait le ballon entre les lignes, on avait l’impression de ressentir une certaine réticence à jouer le ballon sur les ailes vers Pavard et T.Hernandez qui ont multiplié les courses pour rien.
Les attaquants français déclenchaient souvent une action axiale par un dribble ou une première passe courte.
Au contraire des Belges qui créaient leurs décalages collectivement, les Français les créaient individuellement, souvent par un dribble comme sur le but de Benzema. (2-1, 62ème)
En effet, le dribble de M’Bappé sur son adversaire direct créera un décalage qui permettra la passe vers Benzema.
En fin de match et comme évoqué dans l’introduction, les Français changeront, volontairement ou non, leur façon de fonctionner en faisant participer leurs pistons qui effectueront leur seul échange de passe du match, avec la suite que l’on connait (2-3, T.Hernandez, 90ème).
Les clés du match : L’influence d’un contre pressing réussi, l’attitude des Bleus et le déficit physique des Belges
Hormis le dernier but de cette rencontre marqué dans un moment un peu fou, on peut remarquer que chaque but est le fruit d’un gros temps fort des équipes.
Il est intéressant de relever comment ont été créés ces temps forts.
En début de match, on a constaté que les équipes attaquaient à tour de rôle. Pourquoi ?
Parce qu’après la fin de leur attaque, le contre-pressing appliqué n’était pas réussi et n’empêchait donc pas la relance adverse.
Les joueurs étaient donc obligés de se replacer et de redescendre leur bloc.
Prenons par exemple le 1er temps fort français démarrant à la 20ème minute après un contre-pressing réussi et donc étouffant l’adversaire dans son camp.
Le bloc belge a donc été forcé de reculer et de subir. Heureusement pour eux, ils réussissaient à gérer le peu de rythme mis par les joueurs de Deschamps.
A la 25-26ème minute, les Belges se sont créé un nouveau temps fort de la même manière et ont donc eu la possession du ballon jusqu’à la fin de la 1ère mi-temps.
Ce temps fort a donc amené les deux buts de Carrasco et Lukaku, tout comme cela a été le cas pour les buts Français en seconde période.
On a également pu observer un contraste entre les attitudes françaises lors de chaque mi-temps.
Offensivement et malgré la qualité technique mise par les joueurs, le rythme monocorde des 45 premières minutes ne permettait aucune différence face à un bloc belge aussi sérieux que bas.
Les Français n’ayant pas changé de plan de jeu offensif à la mi-temps, il est donc logique de regarder ce qui a pu se passer du côté adverse.
En seconde période, les Bleus profitaient d’une grosse baisse de régime des Diables Rouges qui étaient de plus en plus en retard dans leurs déplacements défensifs.
Et, face à la vitesse offensive d’un M’Bappé et la qualité technique des Benzema-Griezmann, il était quasi impossible de rattraper les décalages créés et de plus en plus nombreux.
Pourtant, la capacité à rapidement mettre la pression sur le porteur de balle adverse est la qualité qui a permis aux Belges de maitriser leur adversaire en 1ère mi-temps et c’est ce manquement qui les a punis 2 fois :
- 2-1 : On se demande encore comment Benzema a pu se retourner et déclencher sa frappe au milieu de 4 défenseurs
- 2-2 : L’intervention défensive d’un Tielemans complètement en retard dans ses décisions depuis la reprise du match.
Le manque d’agressivité français a également été puni en 1ère mi-temps-
Sur le 1er but de Carrasco, on relèvera 2 choses :
- Sur le 1 contre 1 Carrasco-Pavard, le manque de pression de Pavard sur le porteur de ballon. Un problème récurrent pour ce joueur, on repense notamment aux deux premiers buts suisses lors des 8èmes de l’Euro 2020.
- On notera également le temps anormalement long qu’aura mis Jules Koundé pour apporter le soutien qui aurait permis de contrer Carrasco après son dribble sur Pavard
Le second but de Lukaku arrivera après une série de passes rendues possibles par le manque de pression défensive mise sur le Diable recevant le ballon.
Tous ces décalages rendus possibles permettront à De Bruyne de déclencher sa passe décisive sans pression et de trouver Lukaku suivi de trop loin par L.Hernandez.
Une tendance qu’a eu L.Hernandez à marquer « large » un joueur comme Lukaku, capable de vous garder à distance avec un seul bras, qui aurait pu coûter la défaite des siens en fin de match.
Cela illustre, côté français, une chose assez inquiétante.
Dans cette analyse, on retrouve certains éléments qui ont déjà mis en difficulté l’équipe de France et qui a notamment permis aux adversaires de battre les Bleus.
Ces erreurs ne semblent pas être corrigées malgré, on peut l’imaginer, les analyses du staff technique.
Du côté des Belges, on a vraiment ressenti une chute brutale du curseur physique, chez de nombreux joueurs, qui a totalement retourné leur match.
On imagine que le sélectionneur devra bientôt trouver des alternatives à certains éléments afin d’apporter une certaine rotation et donc une fraicheur physique nécessaire lors de compétitions internationales faisant partie d’un calendrier pratiquement saturé.