Real Madrid - PSG : L'analyse tactique
Pas facile de faire l’analyse tactique rationnelle d’un match dont les mots clés, dans les articles de presse, sur les réseaux sociaux, etc, sont :
- Boulette
- Craquage
- Emotions
- VAR
Tentons de nous démarquer de tous ces articles, commentaires, qui mettent exclusivement en avant l’arbitrage, Donnarumma et Benzema.
On va quand même essayer, à froid – non, avec ce type de match, on sera encore tiède dans 3 jours – mais tentons d’expliquer le « pourquoi du comment » du scénario de cette rencontre.
Parce que, comme tout match entre deux grosses équipes, il s’est joué sur des détails, de brèves séquences de jeu, converties par les buts, qui ont fait basculer le match.
Ces temps de jeu ont été les conséquences de plans de jeu établis par chaque staff, préparés depuis le match aller.
Car, finalement, le Real Madrid est arrivé avec une idée bien précise, résumée par Benzema en interview d’après-match, celle de presser haut Paris.
Un PSG dont la marque de fabrique est d’aspirer ses adversaires en préparant ses relances très proches de leur but, donc en prenant un maximum de risques.
Contrairement au match aller, les Madrilènes ont donc pris le risque de monter leur bloc plus haut et de prendre le risque d’être puni par les transitions parisiennes et la vitesse de M’Bappé.
Peut-être étaient-ils tenus par l’obligation de marquer, les critiques faites après le match aller, peut-être était-ce le plan d’Ancelotti de préférer la prudence au Parc des Princes avant de déchainer les enfers au Bernabeu.
En tout cas, on ne peut pas dire que le Real a fait un match extraordinaire.
Il a simplement appliqué son plan de jeu, a gardé le cap et a plié son adversaire.
Toujours est-il que le PSG a, comme au match aller, mis assez de qualité dans sa 1ère mi-temps pour contrer le plan de jeu du coach italien.
Seulement, les Parisiens (joueurs et staff) n’ont pas su maitriser leur curseur « prise de risque ».
Une naïveté toujours surprenante dans un effectif bâti pour l’Europe qui, cette fois, n’a pas été compensé par ses habituels colmateurs de fuite : Donnarumma, Marquinhos, Verrati et M’Bappé.
Si la défaillance des leaders a ébranlé tout un groupe, il met surtout en lumière le fait que le PSG ne possède pas d’autres ressources alternatives lorsque les capitaines du bateau sont malades.
Pire, dans la tempête du Bernabeu, nous avons pu constater que les Kimpembe, Messi, Neymar, Pochettino et autres, ne sont que de simples matelots.
Real Madrid : Un pressing haut pour pousser un adversaire joueur à faire des erreurs
Carlo Ancelotti proposait un système en 4-3-3 et devait composer avec l’absence de sa sentinelle de compet’, Casemiro.
C’est Toni Kroos qui s’y collait, avec plus ou moins de réussite, mais nous y reviendrons plus tard.
Dès le coup d’envoi, on a pu constater que le visage des Madrilènes était totalement différent qu’à l’aller.
En effet, un pressing haut était immédiatement effectué sur les relanceurs Parisiens.
Une pression sur le terrain appuyée par un stade donnant de la voix, d’entrée de jeu, comme pour annoncer la couleur et dire à l’adversaire qu’il va passer un sale match.
Pendant les 15 premières minutes du match, le pressing et le contre-pressing espagnol ont payé puisque les nombreuses récupérations hautes et seconds ballons gagnés ont permis un gros temps fort.
Cette période a été calmée par une transition offensive parisienne réussie.
Les Parisiens réussissaient enfin à se sortir du contre-pressing adverse et lancer M’Bappé pour apporter un danger évident dans la défense adverse.
Ce moment a rappelé le Real à l’ordre et les Espagnols ont donc descendu leur bloc laissant un peu plus la possession de balle au PSG.
Sur ce temps de jeu et jusqu’à la mi-temps, les joueurs d’Ancelotti déclenchaient un pressing seulement au moment où le porteur de balle parisien jouait en retrait, bloqué par un bloc défensif adverse bien en place.
On observait Benzema déclencher le pressing, suivi par son bloc.
On mettra d’ailleurs en lumière la plus-value d’un avant-centre, leader et capitaine respecté de son équipe, qui a les capacités de déclencher un pressing collectif au bon moment.
Le 1er but du Real est l’illustration de ce pressing réussi puisqu’on peut observer le bloc du Real remonter au fur et à mesure que le PSG joue en retrait jusqu’à Donnarumma.
Benzema aura assez de flair pour sentir que le gardien italien se trompera sur son contrôle et égalisera de la meilleure des manières, en punissant l’erreur d’une des valeurs sûres de son adversaire. (1-1, 60ème)
Le 3ème but madrilène, même s’il est marqué dans une période euphorique, traduit encore la volonté du Real de défendre en avançant, de marcher sur son adversaire.
Dès le coup d’envoi parisien, on observe Rodrygo attaquer le porteur de balle parisien et lancer un contre qui se terminera en à peine 3 passes et en moins de 8 secondes. (3-1, 78ème, Benzema)
Tout n’a pas été parfait du côté du Real, puisque s’ils se sont trompés une fois dans leur contre-pressing, cela leur a coûté le but de M’Bappé.
Mais leur plan de jeu a fonctionné et a été appliqué par des joueurs qui ont répondu aux attentes.
PSG : L’incapacité d’une équipe à jouer avec le curseur « prise de risque » punie par le niveau Champions League
Pochettino proposait les ingrédients qui avaient fonctionné au match aller comme le rôle de Danilo qui compensait les montées d’Hakimi en restant proche de la menace ultra-rapide Vinicius Jr.
Le coach argentin proposait un système en 4-3-3 avec Paredes en pointe basse du triangle du milieu.
Face au pressing haut du Real, les Parisiens ont maintenu leur volonté de repartir propre de derrière, d’aspirer au maximum les joueurs espagnols loin du but de Courtois.
Et, en 1ère mi-temps, on ne peut pas dire que les joueurs de Pochettino n’aient pas réussi à le faire.
L’ouverture du score de M’Bappé l’illustre parfaitement puisque grâce à une récupération et la sortie d’un contre-pressing (isolé tout de même) de Carvajal, le Génie Français (dédicace à Stéphane Guy) ira aligner Courtois après 2 passes et quelques secondes. (1-0, 39ème)
Les Parisiens ont réussi à gérer un temps fort espagnol d’au moins 5 minutes.
Ils ont aspiré un Real totalement porté à gauche qui a fait l’erreur de changer le jeu vers un Carvajal totalement isolé.
Le défenseur espagnol a été en difficulté car doublement esseulé :
- Offensivement car il n’était accompagné ni d’un milieu relayeur, ni d’un ailier
- Défensivement car à la perte de balle, il a appliqué seul un contre-pressing face à deux Parisiens
Après un premier quart d’heure délicat, les Parisiens ont réussi à casser le temps fort du Real, faire reculer son bloc et mettre le pied sur le ballon pour reprendre le rythme du match.
Cette maitrise du ballon est d’ailleurs reflétée par la possession parisienne de 56% et le nombre de passes effectuées (590 contre 448).
On pourra d’ailleurs mettre en avant la plus-value de Neymar et Messi.
En effet, le pressing haut du Real a forcé la totalité du milieu parisien à participer aux phases de relances.
Cela n’arrive pratiquement jamais aux Parisiens car ils ne rencontrent que rarement des adversaires assez forts pour bien appliquer un pressing haut.
Quoi qu’il en soit, la ligne de hauteur du milieu espagnol a permis à Neymar et Messi de venir proposer une solution de relance verticale dans un espace important laissé libre devant la défense centrale Alaba-Militao.
Les deux Parisiens ont eu la bonne idée de simplifier leur jeu au maximum, en une à deux touches.
On peut d’ailleurs affirmer que, malgré sa vitesse, M’Bappé n’aurait pas eu autant d’espace pour marquer si Neymar avait touché le ballon une fois de plus/trop avant de le lancer en profondeur.
Là ou le PSG s’est trompé, c’est qu’il n’a pas été en mesure, psychologiquement, de contrôler ses prises de risques.
On a eu l’impression que les Parisiens jouaient un match de Ligue 1 avec 10 points d’avance.
Face à un Real blessé, avec 2 buts d’avance, les joueurs Parisiens ont continué à essayer d’aspirer l’adversaire, à prendre des risques assez inconsidérés dans la relance.
Cela aurait pu passer pour de la confiance en soi mais, dès l’égalisation, on a eu la sensation que l’équipe semblait ne pas savoir faire autrement et que personne n’était capable de doser la façon de jouer du groupe.
Si l’on devait illustrer le match du PSG, nous pourrions visualiser l’équipe comme le groupe d’une expédition polaire.
Ce Mercredi, après avoir passé avec succès et sans pertes, la montagne du match aller, les membres de l’équipe devaient traverser un lac gelé pour arriver à leur camp de base.
Pendant la moitié du parcours, les Parisiens ont marché en groupe, sereinement, malgré la finesse de la couche de glace sous leurs pieds.
Et, aux deux tiers du chemin (égalisation de Benzema), ils ont entendu un craquement dans la glace…
Malgré le fait que la glace n’avait pas bougé et permettait à l’équipe d’avancer de nouveau vers l’objectif, les Parisiens ont paniqué.
Ils ont commencé à douter, trembler, se désolidariser et mettre plus de poids et de pression sur cette fine couche de glace.
Personne, au sein du groupe, n’a alors pris la parole pour calmer le jeu, pour rassurer les plus paniqués et tirer vers le haut les éléments lâchant leur équipe.
Et ce qui devait arriver…arriva.
La glace a craqué et le sol s’est dérobé sous leurs pieds.
Le film était terminé et c’était la dernière séance (je vous laisse relever la référence un peu plus old school) du PSG en Champions League 21-22.
La clé du match de Madrid : Le banc de touche
On a évoqué, plus haut, le remplacement de Casemiro et du rôle de sentinelle par Toni Kroos.
On ne pouvait pas attendre, de la part de l’Allemand, un rendu aussi bon que celui du Brésilien, référence mondiale à ce poste.
Défensivement, le milieu du Real était donc moins efficace.
Offensivement, on observait Kroos être l’habituel déclencheur des attaques placées de son équipe, mais plus bas sur le terrain.
Objectivement, si Kroos n’a pas fait son meilleur match
Ancelotti n’a pas non plus pu compter sur Marco Ascencio, complètement à côté de son match, qui a obligé le Real à attaquer quasi-exclusivement sur le côté gauche.
A la 57ème minute, le coach italien a remplacé Kroos par Camavinga et Ascencio par Rodrygo.
Ces deux changements ont changé le visage du Real car ils ont insufflé une nouvelle dynamique, comme si on renouvelait l’air d’une pièce.
Camavinga donnait assez de confiance défensive pour faire monter Modric d’un cran et Rodrygo mettait enfin de l’intensité sur le côté de Nuno Mendes.
Le second but du Real a pour origine un rush du Croate et le 3ème, une récupération agressive du Brésilien.
Cela nous permet de dire que, tout Real Madrid qu’il est, le club espagnol a eu besoin de ses remplaçants pour retourner un match mal embarqué.
Et cela nous permet également de mettre en lumière une certaine gestion, de la part du club et du staff, de ses joueurs.
En effet, même s’il y a pire que d’être remplaçant au Real, on voit de plus en plus rarement, dans le vaste monde du football, autant de plus-value apportée en cours de match comme celle apportée par Camavinga et Rodrygo.
Nous sommes donc obligés d’évoquer le PSG et se poser les questions récurrentes liées à la gestion du groupe.
Pochettino ne s’est pas adapté tactiquement aux changements d’Ancelotti, ni à l’égalisation qui était le marqueur de la bascule de son équipe.
Le coach n’a fait aucun choix.
S’est-il dit qu’il ne pourrait pas sortir les fantomatiques Neymar-Messi, totalement disparus en seconde période, car ces derniers allaient lui faire la gueule ?
S’est-il retourné vers son banc, a vu que ses solutions étaient Di Maria et Draxler, et a préféré espérer un sursaut des deux disparus de sa ligne d’attaque ?
Son premier changement a été de remplacer Paredes par Gueye, et le seul justificatif de ce choix semblait être le carton jaune de l’Argentin.
Et, même là, Pochettino a été trahi par ces choix.
Sur le second but, la perte de balle d’un Neymar dribbleur fatigué donc inefficace, est récupérée par Modric qui va, alors, remonter le terrain balle au pied.
On aurait pu attendre d’un Parisien et notamment Gueye, dont la qualité première est l’impact physique, qu’il découpe Modric voire qu’il lui attrape le maillot.
Malgré ce manque de réaction de la part de Pochettino, on ne peut s’empêcher d’avoir de la peine pour lui.
En effet, perdre autant de temps à penser aux conséquences d’éventuels changements avant de faire son travail ne doit pas être facile.